L'entraide pourrait être un délit ?

Nouveaux développements : voir en bas de page
 

CedricHerrou.pngCédric Herrou est agriculteur dans la vallée de La Roya, lieu de passage pour les migrants et les réfugiés africains et moyen-orientaux qui, arrivés en Italie, cherchent à rejoindre la France soit pour y rester soit pour y transiter vers un autre pays où ils pensent pouvoir s'installer.
Après plusieurs interpellations et le refus du parquet de poursuivre, considérant que ses motivations étaient humanitaires et désintéressées, il a finalement été condamné en février 2017 à 3.000 euros d'amende avec sursis, puis, le parquet jugeant la condamnation trop légère, à 4 mois de prison avec sursis par la Cour d'appel et à 1.000 euros de dommages intérêts à la SNCF pour avoir essayé de loger une cinquantaine de migrants dans une colonie de vacances désaffectée de la compagnie.

 

Une question de principes

La France, tous gouvernements confondus, mène une politique de "désincitation" de l'immigration, qu'elle soit économique ou humanitaire. Je vais résumer en disant que l'un des volets de cette politique est de ne pas disposer de structures ni de politiques d'accueil, ce que dénonce Cédric Herrou. Tout le monde a en tête la concrétisation de cette politique par la fermeture des structures d'accueil à Sangatte. « Nous mettons fin à un symbole d’appel d’air de l’immigration clandestine dans le monde » - déclarait Nicolas Sarkozy dans cet article de RFI (dernier paragraphe) de 2002.  On en rirait. Quinze ans plus tard nous mesurons à quel point cela a été inefficace et à quel point cela cachait en réalité d'autres raisons. On ne peut pas exonérer nos dirigeants d'être bien informés de la situation politique dans le monde et encore moins des conflits qui provoquent ces vagues de migration, conflits trop souvent déclenchés pour servir les intérêts privés d'entreprises occidentales. On a eu beau mettre, remettre et rajouter des policiers à Calais, démanteler la Jungle, faire fi du droit et autoriser des actions illégales des forces de  l'ordre, les migrants et les réfugiés sont toujours là. Et nous savons qu'il en arrivera toujours plus.
Face aux détresses vécues par ces personnes qui ont traversé des dangers et des conditions que nous avons souvent du mal à imaginer, quelle doit être l'attitude des simples citoyens que nous sommes ? Tourner la tête ? Prêter main-forte à la maréchaussée pour aider les expulsions ? Laisser dans la rue des mineurs ? Accepter le retour de l'esclavage que leur "irrégularité" provoque (ici en pdf) ?
Que l'État ait des politiques d'État qui ne sont pas expliquées et, si elles le sont avec des discours de peur, pas compréhensibles ou pas admissibles par nos consciences, soit. Mais les politiques de l'État ne sont représentatives que de ceux qui ont voté pour le gouvernement en place à un moment donné (en ce moment, 14% du corps électoral) et la démocratie c'est justement la possibilité pour les citoyens de contester et, au-delà, de proposer d'autres voies, celles qui pourraient être l'alternative lors d'un prochain scrutin. En agissant en conscience, Cédric Herrou et les autres citoyens qui accueillent, aident, ou participent par d'autres moyens à la solidarité avec leurs semblables, font ce que les citoyens doivent faire.

LesExilesDeTibere-FelixBarrias-800x444.jpg
Puissants ou misérables, les exilés sont toujours des victimes

 

La pénalisation de l'entraide

Et c'est là qu'intervient la justice et, lorsqu'elle intervient de la sorte, ce n'est pas la justice qui fonctionne comme un pouvoir indépendant, ce qu'elle devrait être, mais le pouvoir politique qui dispose là d'un outil de dissuasion à l'encontre des citoyens. Et qui l'actionne. Certes, Cédric Herrou est condamné à une amende de 1.000 euros, c'est pas énorme, et à 4 mois de prison avec sursis, qu'il ne fera donc pas. Mais c'est ainsi que fonctionne la dissuasion. Il n'est pas milliardaire, 1.000 euros c'est de l'argent une fois mais c'est surtout la perspective que la même action produira à l'avenir les mêmes effets et ces 1.000 euros vont se multiplier comme les petits pains, au gré de la volonté de l'État de faire exemple et de lui enfoncer progressivement, mais sans violence - qui indignerait la ménagère de moins de 50 ans -, la tête sous l'eau. C'est le supplice de la baignoire, sans la baignoire mais avec le porte-monnaie. Et évidemment, l'épée de Damoclès du séjour en prison car les sursis, ça va une fois.
Cela veut dire quoi ? Cela veut dire très concrètement qu'il est interdit d'aider son semblable. Non, ce n'est pas vraiment interdit, puisque c'est même obligatoire, la loi prévoit que nous devons nous entraider. Mais il faut choisir qui on aide, il y a des gens à ne pas aider. Il faut discriminer, tout citoyen qu'on est. Il y a les gens qui ont besoin et qu'on peut aider et ceux qui ont besoin et qu'on doit laisser choir. 
Mais un citoyen ne peut pas faire un choix de ce type. Face à nous, ce sont des êtres humains et on ne commence pas par leur demander leur titre d'identité ni leur carte de séjour avant de tendre la main. Face à une détresse, le citoyen a une obligation morale - et non légale - d'agir, quand bien même la morale serait condamnée par la loi.
C'est en somme ce que dit Cédric Herrou à la sortie du tribunal : « je continuerai parce qu'il faut le faire ». C'est aussi la raison pour laquelle il faut l'aider à le faire.
 

3p-30x27.pngSigner la pétition qui demande son acquitement total
Lire le communiqué de Amnesty International France, La Cimade, Médecins du Monde, Médecins Sans Frontières, Secours Catholique - Caritas France, du 10 août 2017

Ajouts

13 septembre 2017 : communiqué de presse de l'association Roya citoyenne, de la LDH Paca et des sections locales des Alpes maritimes.

Les actions dénoncées dans le communiqué ci-dessous viennent confirmer l'utilisation politique des moyens de sécurité des citoyens. Dans ce cas précis, la police sert de moyen d'intimidation pour chercher à dissuader les actions citoyennes. Son utilisation vise à faire croire qu'il s'agit d'une question juridique là où on a affaire à des politiques de restriction de l'aide humanitaire, condamnables de ce seul fait.

7ème garde à vue de Cédric HERROU :

La police anticipe-t-elle sur ses prochaines attributions liberticides ?

Ce matin, mardi 12 septembre, Cédric Herrou est convoqué à la gendarmerie, sans connaître l’objet de cette convocation. Il apprendra alors qu’il est l’objet d’une plainte pour « violences aggravée et séquestration » de la part d’un personnage présentement en maison d’arrêt, après condamnation à 8 mois de prison ferme par le tribunal correctionnel de Nice en tant que passeur professionnel, étranger lui-même en situation irrégulière.

Cédric Herrou est aussitôt mis en garde à vue... tandis qu’une armada d’une quinzaine de policiers perquisitionnera chez lui pour une énième fois !
C’est Cédric Herrou lui-même qui avait dénoncé aux autorités en juillet dernier les manœuvres de ce passeur auprès des demandeurs d’asile venus chercher secours jusqu’à son domicile ! Au tribunal, il avait ainsi souhaité se constituer partie civile pour le tort que cela pouvait lui causer. Mais sa demande de dommages et intérêts fut rejetée.

Pourquoi ce piège grossier tendu ce matin à Cédric Herrou à partir de la plainte douteuse d’un passeur professionnel ? Pourquoi cette 7ème garde à vue ? Pourquoi cette mobilisation en surnombre des gendarmes pour une nouvelle perquisition ? Tout cela vis-à-vis d’un homme qui n’a jamais été accusé, ni même soupçonné d’un trafic quelconque dans son dévouement généreux et solidaire envers les migrants.

Comment le Parquet pourrait-il donner du crédit à la parole de celui que Cédric Herrou lui a permis d’incarcérer ?

Partout, les dénonciations du harcèlement judiciaire et policier dont Cédric Herrou fait l’objet se multiplient, et voilà qu’en réponse on assiste aujourd’hui au crédit apporté à ce personnage sulfureux qui d’évidence agit au mieux par vengeance ... ou au pire sur des encouragements incertains mais éclairés.
Que la police réponde à toutes les plaintes pour violence nous le souhaitons tous. La République a des lois et des procédures, des moyens proportionnés que cette même police est tenue de respecter... pour tous.

Le 12 septembre 2017
Pour la LDH ROYA CITOYENNE Henri ROSSI
Délégué régional LDH PACA


Voir aussi :
Communiqué de la Ligue des Droits de l'Homme : « La garde à vue de Cédric Herrou est un déni de justice »
L'affaire Manonni
« Aide aux migrants : prison avec sursis en appel pour un enseignant-chercheur »
remplacez le mot "migrants" par l'expression "êtres humains"... 

 

 

fivestar: 
5
Moyenne : 5 (1 vote)