inégalité économique

Les pauvres paieront

« Dans un contexte où 10% des Français-e-s les plus riches détiennent déjà plus de la moitié des richesses, la réforme fiscale annoncée risque de creuser encore davantage les inégalités. Les 10% les plus riches bénéficieront d’une hausse de revenus au moins 18 fois plus importante que les 10% les plus pauvres pendant que les contributions fiscales des entreprises seront largement réduites alors que leurs bénéfices explosent » - dit Oxfam dans une étude publiée le 25 septembre 2017.
Nous avons vu dans plusieurs billets de ce blog (ici et ) que les inégalités se creusent partout dans le monde et que la tendance est à l'accélération de ce mouvement, comme cela s'est produit aux États-Unis d'Amérique du Nord pendant ces dernières années. Or, on sait maintenant que les inégalités sont bien plus importantes que celles qui ont été mesurées à partir des chiffres officiels.

Le choc de la libéralisation

Avec le gouvernement actuel, il n'y a pas que le montant des APL qui baisse. Les impôts baissent aussi, de 11 milliards. 11 milliards au total, si on tient compte des hausses de 2,6 milliards (tabac, fiscalité écologique) et des baisses par ailleurs de 13,5 milliards. Sur ces 13,5 milliards de baisses des impôts, certaines ont été décidées par le gouvernement précédent : 4,5 milliards pour les entreprises (taux du CICE qui passe de 6 à 7 %, crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires qui baisse d'un demi-point). Le gouvernement y ajoute 7 autres milliards : une baisse du prélèvement forfaitaire unique sur le capital, la suppression d'une première tranche de taxe d'habitation et la suppression de l'ISF, l'impôt sur la fortune, 3 milliards chacune.

Inégalité et mobilité sociale

Homeless_New_York_2008.jpeg.jpegCe texte de Miles Corak fait une analyse de la mobilité sociale en rapport avec l'importance de l'inégalité dans la société. Ce qu'il appelle la "mobilité sociale" est la capacité pour chaque génération de ne pas reproduire seulement le niveau de vie de ses parents, mais d'être en capacité de l'améliorer. Les sociétés qui offrent cette capacité sont considérées "fluides", celles qui ne l'offrent pas, ou peu, sont considérées "rigides". C'est-à-dire qu'elles s'organisent autour d'une stratification sociale qui se reproduit à l'identique ou presque de génération en génération. Dans ce dernier cas, chaque génération n'a pas une "égalité des chances" dans le domaine de l'amélioration de sa condition et d'accéder à des responsabilités, du prestige, des relations sociales valorisantes.

Une CSG pour les jeunes ?

1280px-Roman_collared_slaves_-_Ashmolean_Museum.jpgLe gouvernement va donc supprimer 5 € mensuels d'APL pour les jeunes. Les jeunes qui doivent faire des efforts. En même temps, il augmente la CGS pour les retraités. Des retraités qui doivent faire des efforts « pour les plus jeunes générations et pour récompenser le travail ».
En fait, les jeunes font des efforts pour les vieux et les vieux font des efforts pour les jeunes. La société fait des efforts pour... pour qui ? Ah, oui, la société supprime l'essentiel de l'impôt sur la fortune parce que les jeunes et les vieux riches ne doivent surtout pas faire d'efforts pour personne. Les riches ont déjà fait des efforts pour devenir riches, par exemple : ils ont hérité de leur famille, ils sont rentiers.

8 personnes possèdent autant que la moitié la plus pauvre de l'humanité

RapportOxfam.pngOxfam a publié en janvier 2017 son rapport sur le fonctionnement de l'économie mondiale. Le titre du rapport n'y va pas par quatre chemins, il est clair et percutant :  « Une économie au service des 99 % » pour réclamer une inversion du système actuel qui ne profite qu'à 1% de la population mondiale. Ce rapport rendu public au moment de la rencontre de Davos montre que 8 personnes (oui, huit) possèdent à elles seules « autant de richesses que la moitié la plus pauvre de l’humanité ».
Le rapport illustre les moyens utilisés par les grandes entreprises et les individus les plus riches pour exacerber les inégalités, « en exploitant un système économique défaillant, en éludant l’impôt, en réduisant les salaires et en maximisant les revenus des actionnaires ». La notion de "système économique défaillant" utilisée par Oxfam me paraît contestable dans la mesure où, en fait, il est défaillant pour ceux qui n'en bénéficient pas mais il est parfaitement huilé pour favoriser les élites qui en tirent profit. Il s'agit donc d'un "système économique performant" du point de vue de ceux qui en actionnent les mécanismes.
« Nos économies concentrent les richesses aux mains d’une élite, aux dépens des couches les plus pauvres de la société qui sont majoritairement des femmes » - dit le communiqué. « Les plus fortunés accumulent ces richesses à un tel rythme que le premier « super-milliardaire » du monde pourrait voir son patrimoine dépasser le millier de milliards de dollars dans 25 ans à peine ».  Ce que montre ici Oxfam est ce qu'a constaté Thomas Piketty et son équipe, relayé par cet article du New York Times, qui s'alarme et s'indigne de la croissance exponentielle des revenus des 0,001% les plus riches des États-Unis.

Les inégalités en France en 2017

Chaque année, l'Observatoire des Inégalités produit un rapport sur l'état des inégalités en France.  Le rapport 2017 a été publié au mois de juin, grâce à un financement participatif. Ce rapport est en vente sur le site, mais on peut télécharger sa synthèse en quelques tableaux clairs, explicites et extrêmement instructifs.
On y apprend qu'un peu plus du quart des revenus est détenu par 10% de la population. Ce que ne montre pas ce tableau c'est la répartition de cette distribution au sein même de ces 10%, mais il ne serait pas étonnant que, comme dans une fractale, on retrouve le même schéma distributif.
pauvrete.pngAlors que la France n'a pas connu de récession depuis 2004 (contrairement à des pays comme la Grèce), on voit qu'en dix ans le nombre de personnes pauvres a augmenté à la fois en nombre et en taux. C'est une tendance lourde qui revient de rapport en rapport, d'étude en étude, de statistique en statistique. Cela ne manque pas de nous interroger sur une tendance du type de celle constatée aux États-Unis d'Amérique, évoquée dans ce billet. Pourtant, depuis cette date, nous n'avons pas manqué d'annonces politiques et de ces invectives sur « l'assistanat » qui voudraient nous faire croire que la pauvreté est un choix (alors que la richesse serait un effort). 

L'art est-il la signature de l'inégalité ?

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Relevé de l'un des bisons polychromes d'Altamira, publié par É. Cartailhac et H. Breuil en 1906 dans « La caverne d'Altamira à Santillane, près Santander (Espagne)»

L'art est-il l'expression des capacités d'abstraction et symboliques de l'humanité, cette projection de soi visible par tous, ce partage, cette communion des esprits, des sens, des sensations, des sentiments, des ressentis et même de ce que Freud appelé l'inconscient, cet infra-monde qui ne s'exprime que dans le non contrôle de soi, auquel cas il est une potentialité présente dans chacun de nous, exprimée par certains, tue par d'autres ; ou bien une production économique qui permet d'exprimer le prestige du détenteur, bien au-delà du talent du réalisateur, qui ne serait alors que main-d'œuvre ? Dans ce cas l'art serait la signature de l'inégalité du groupe humain où il s'exprime.

L'inégalité est un crime contre l'humanité

HomelessParis_7032101.jpgCet article de la revue Nature (en anglais) est tout à fait explicite : la pauvreté obère le développement du corps et de l'esprit, dès les premières semaines du nourrisson.
« How poverty affects the brain » montre les effets délétères de la pauvreté tant sur la mère, plus souvent dépressive à la naissance de l'enfant que dans les milieux aisés, que sur le nourrisson, le bébé, le petit enfant, l'enfant, l'adolescent et l'adulte. La mesure du moindre développement cérébral, des retards de croissance, de la taille adulte diminuée confirme ce qui avait déjà été observé à Londres au XIXème siècle : les ouvriers y faisaient en moyenne 15 cm de moins que les aristocrates.

L'extraordinaire croissance de l'inégalité en Amérique

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« Most Americans would look at these charts and conclude that inequality is out of control. The president, on the other hand, seems to think that inequality isn’t big enough » - beaucoup d'Américains regarderaient ces graphiques et conclueraient que l'inégalité est hors de contrôle. Le président, par contre, semble penser que l'inégalité n'est pas assez importante - ainsi se termine cet article « Our Broken Economy, in One simple chart » du The New York Times du 7 août dernier. Il montre que dans les trois dernières décennies la croissance de la richesse s'est progressivement décalée vers les très très très hauts revenus (les 0,001%) et que même le haut des classes moyennes est perdant.