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De l'agriculture à l'inégalité

Note de lecture

« Les dix millénaires oubliés qui ont fait l'histoire », de Jean-Paul Demoule, Fayard, nov. 2017

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Suivre la conférence sur le même thème du 10 octobre 2017 aux Rendez-vous de l'histoire de Blois

Avec son livre paru en octobre 2017, intitulé « Les dix millénaires oubliés qui ont fait l'histoire, quand on inventa l'agriculture, la guerre et les chefs », Jean-Paul Demoule vient insister sur cette période du Néolithique qui a forgé les sociétés inégalitaires dans lesquelles nous vivons désormais.

La petite graine du papa

Lors d'une récente soirée cabaret, deux chansons, de deux auteurs-interprètes différents, se sont succédées en évoquant « la petite graine du papa », qu'il dépose dans la maman. Cette succession rapide du même thème a attiré mon attention et j'ai remarqué l'assentiment général donné à cette expression, expression d'un lieu-commun. Nous connaissons tous la suite de cette action, qui compare la relation sexuelle à la plantation d'une graine dans un pot ou dans un champ. Il n'y a plus qu'à attendre que ça pousse1.

Quels sont les développements de cette idée ? On voit bien qu'il y a un actif (le papa qui dépose) et un passif (la maman qui reçoit). Pour la suite, à l'image du pot ou du champ, la graine sera active en se développant, en faisant émerger la vie qui va alors s'épanouir au sein d'un corps passif qui l'héberge et dont elle se nourrit.

Tous les stéréotypes d'une culture sont déjà présents dans la seule expression « la graine de papa ». Un stéréotype qui dit que la vie est générée par l'homme, qui est non seulement l'origine mais le principe créateur lui-même et attribue ainsi la division actif/passif à chaque  sexe, essentialisant l'un et l'autre2.

Le Néolithique, la violence et l'inégalité

375px-Da_Vinci_Vitruve_Luc_Viatour.jpgL'humanité est-elle une espèce violente où la majorité de ses membres sont naturellement soumis à un dominant ? C'est l'idée qui fait sens commun et tout le monde a en tête, parce que cela a été répété au son du tam-tam chaque jour et chaque nuit pendant au moins dix générations, la "loi du plus fort" comme le "contrat social". Une idée simple : sans une force de contrainte on va tous s'égorger mutuellement, car à "l'état de nature" les individus n'ont aucun frein. L'idée de "contrat social" suppose que les individus sont naturellement libres mais comme cette liberté mène au désordre, alors les individus passent un contrat pour se limiter eux-mêmes et instituer une autorité qui fera régner l'ordre.
Alors même que Hobbes pense que "le plus fort", s'il cherche à s'imposer, sera éliminé par les plus faibles qui se regroupent, la notion a été reprise par ce qu'on nomme le darwinisme social, qui en a fait un moteur de l'évolution des espèces - ce que Darwin n'a jamais prétendu. Ainsi, ce seraient les plus forts qui feraient évoluer les espèces et les espèces les plus fortes qui seraient vainqueuses(*) dans la concurrence pour la survie.
 

La révolution néolithique - Jean-Paul Demoule

Note de lecture

La révolution néolithique, Jean-Paul Demoule, Éditions le Pommier et Éditions de la Cité des Sciences et de l'Industrie, 2015 (1ère édition 2008)

J'ai envie de commencer cette note de lecture par le paragraphe de conclusion du livre, qui résume finalement les leçons que l'on peut tirer de l'observation de l'histoire de la néolithisation des sociétés humaines : « On présente aujourd'hui la croissance indéfinie et le libéralisme économique mondialisé comme le seul horizon désormais possible et pensable, imposé par une sorte de loi naturelle transcendante. L'archéologie et l'histoire nous montrent l'exemple de trajets et de choix bien plus variés et complexes. Elles nous montrent aussi qu'il a existé de mauvais choix – ceux des Mayas ou des Pascuans, par exemple. Elles nous montrent finalement qu'il n'est pas interdit de réfléchir sur nos choix actuels, voire de les infléchir » (p. 127).

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Le Roi et l'Oiseau

Je ne connaissais pas « Le Roi et l'Oiseau », un manque impardonnable au regard du thème, de son traitement et de la conclusion de ce dessin animé.
Il nous parle en effet d'inégalité dans une superbe métaphore de la ville, ville-haute et ville-basse, avec ses divisions sociales, ses systèmes de punition / répression / récompense, l'organisation de la surveillance et, finalement, une description de géographie sociale que n'aurait pas reniée Élisée Reclus.