Les pauvres paieront

« Dans un contexte où 10% des Français-e-s les plus riches détiennent déjà plus de la moitié des richesses, la réforme fiscale annoncée risque de creuser encore davantage les inégalités. Les 10% les plus riches bénéficieront d’une hausse de revenus au moins 18 fois plus importante que les 10% les plus pauvres pendant que les contributions fiscales des entreprises seront largement réduites alors que leurs bénéfices explosent » - dit Oxfam dans une étude publiée le 25 septembre 2017.
Nous avons vu dans plusieurs billets de ce blog (ici et ) que les inégalités se creusent partout dans le monde et que la tendance est à l'accélération de ce mouvement, comme cela s'est produit aux États-Unis d'Amérique du Nord pendant ces dernières années. Or, on sait maintenant que les inégalités sont bien plus importantes que celles qui ont été mesurées à partir des chiffres officiels.
L'étude d'Oxfam montre clairement que la politique fiscale mise en place en France par le nouveau gouvernement est dans la droite ligne des politiques néolibérales qui ont organisé partout dans le monde, depuis le Chili de Pinochet, des transferts de richesses massifs de l'ensemble de la population vers les 1% les plus riches. Elle nous indique en préambule que :
« • En 2016, les 10 % des Français-e-s les plus riches détiennent plus de 56% des richesses quand les 50 % les plus pauvres se partagent à peine moins de 5 % du gâteau.
• 21 milliardaires français possèdent autant que les 40 % les plus pauvres de la population
• En 20 ans, la fortune totale des dix plus grandes fortunes françaises a été multipliée par 12 pendant que le nombre de pauvres augmentait de 1,2 millions de personnes »
TaxationDuCapital.pngL'étude pointe que les réformes fiscales en cours profiteront aux 10% de constribuables les plus riches, avec 1193 € de gains annuels, contre 337 € pour les 10% les plus pauvres. Ce sont des données brutes qu'il faut corriger par l'impact d'autres mesures, comme le prélèvement forfaitaire unique sur le capital « qui devrait coûter 4 milliards d'euros à l'État, soit presque autant que la baisse prévue par an dans le budget du logement », mesure qui défavorise les plus pauvres tout en représentant à elle seule un cadeau de « 4225 euros par ménage » des 1% les plus riches. La suppression de l'ISF, pour sa part, coûtera à l'État 3,6 milliards. Pour « Bernard Arnault en tête du classement des milliardaires français, cette mesure fiscale pourrait représenter un cadeau de 553,2 millions d'euros » alors qu'on décide à côté de priver de 5 euros mensuels les bénéficiaires des APL.
Les plus pauvres sont également fortement impactés par les impôts indirects tels que la TVA qui a « augmenté de 73% » au cours des 20 dernières années.

 

Les entreprises y gagnent aussi 

Alors que, par tous les moyens, on réduit les capacités de défense des salariés, la nouvelle politique fiscale va « diviser par deux les recettes de l'impôt sur les sociétés », soit 15 à 17 milliards par an, en plus des 20 milliards de réductions accordés déjà « ces dix dernières années » et cela dans un contexte « d'évolution des bénéfices des entreprises qui ont augmenté de 10% ». Ce ne sont donc pas des mesures d'accompagnement pour relancer l'économie, mais bien des mesures idéologiques de transfert de l'argent public (l'argent du public) vers une partie ciblée de la population. Car en même temps, alors que les dividendes versés n'ont jamais été aussi hauts, la taxe sur les dividendes est supprimée.

 

Un creusement des inégalités en cours en France

« (...) en 20 ans, la fortune totale des dix plus grandes fortunes françaises a été multipliée par 12 pendant que le nombre de pauvres augmentait de 1,2 millions de personnes » et désormais « 21 milliardaires français possèdent autant que les 40% les plus pauvres de la population ». Cette réforme « donne plus à ceux qui ont déjà beaucoup » - dit Oxfam et, au total, ce sont 24 milliards de cadeaux et de transferts vers les plus riches qui auront lieu d'ici 2022, pointe l'étude.
Après avoir ainsi transféré massivement de l'argent public vers quelques personnes privées, la politique initiée conduit à des « baisses importantes des prestations sociales au service des plus modestes », nous engageant concrètement dans cette forme de libéralisation où l'assurance contre les risques de la vie ne sera plus collective, comme l'est notre protection sociale, mais privée et personnelle ce qui la rend aléatoire, voire impossible, pour l'essentiel des classes populaires.
L'OFCE a mesuré les effets de ces mesures fiscales sur les niveaux de vie. Le tableau suivant est éclairant et, quand il parle des 10% les plus riches, il faut avoir en tête le biais inhérent à ce décile : à l'intérieur de ces 10% les plus riches, l'essentiel de la richesse est captée par les 10% encore plus riches (soit 1% de la population), les autres se rapprochant plutôt du décile inférieur.
RedistributionFiscale.png
« Pire encore, si ces baisses d’impôts sont financées par des baisses des prestations sociales (aides au logement, remboursement de frais de santé etc.) comme cela semble envisagé par le gouvernement qui souhaite faire 16 milliards d’économie dès 2018, l’écart serait encore plus important entre les plus riches et les plus pauvres. Dans cette hypothèse, chaque année :
• Les 10% les plus riches verraient leurs revenus augmenter de 1 193 €
• Les 10% les plus pauvres verraient leur revenu annuel baisser de 337 €, ce qui représente plus de 4% de leurs revenus. »

 

ImpactParDecile.pngClairement, les plus riches s'enrichissent et les plus pauvres payent deux fois, l'une par l'ensemble des impôts indirects qui pèsent sur leur consommation (alors que la totalité de leurs revenus sont exclusivement destinés à des dépenses de consommation nécessaire et parfois uniquement vitale) mais aussi par « une baisse de prestations sociales qui leur sont en priorités destinées. Les inégalités risquent donc de se creuser davantage encore ». 
La deuxième partie de l'étude revient en détail sur les différentes mesures fiscales et en analyse les conséquences pour, à la fin, se conclure par un ensemble de préconisations permettant d'utiliser la politique fiscale en vue d'une meilleure redistribution de la fortune et de l'effort, avec l'objectif de diminuer les inégalités. Le PDF de cette étude est en téléchargement ici.

 


Cet article du Monde du 15 décembre 2017 apporte des informations complémentaires qui pourraient vous intéresser
« La hausse des inégalités n'est pas une fatalité, c'est le résultat de choix politiques »​

 

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