Inégalité et mobilité sociale

Ce texte de Miles Corak fait une analyse de la mobilité sociale en rapport avec l'importance de l'inégalité dans la société. Ce qu'il appelle la "mobilité sociale" est la possibilité pour chaque génération de ne pas reproduire seulement le niveau de vie de ses parents, mais de disposer d'outils pour l'améliorer. Les sociétés qui offrent cette possibilité (que certains appellent "capabilité") sont considérées "fluides", celles qui ne l'offrent pas, ou peu, sont considérées "rigides". C'est-à-dire qu'elles s'organisent autour d'une stratification sociale qui se reproduit à l'identique ou presque de génération en génération. Dans ce dernier cas, chaque génération n'a pas une "égalité des chances" dans le domaine de l'amélioration de sa condition et d'accéder à des responsabilités, du prestige, des relations sociales valorisantes. À noter que le concept "égalité des chances" promeut la vision d'une société composée d'individus atomisés auxquels il appartient individuellement de développer des stratégies de maximisation des opportunités et des efforts. Cela renvoie à chacun, à titre individuel, la responsabilité de la situation dans laquelle il se trouve, alors que les individus sont tous différents, possèdent des rationnalités distinctes et des capacités physiques, intellectuelles et culturelles personnelles - et héritées - qui posent la question de la responsabilité de la société vis-à-vis de l'individu tout autant que sa responsabilité envers lui-même.
Son analyse porte sur 22 pays, principalement d'Europe, du Pacifique et d'Amérique, avec une incursion en Asie. Ils sont classés selon le coefficient de Gini et il analyse la mobilité sociale (chances d'augmenter ses gains par rapport à la génération précédente) de chaque pays en la comparant à ce coefficient.
Dans son étude, il présente deux tableaux. Ce premier tableau montre le classement des pays en fonction de "l'élasticité des gains intergénérationnels", c'est-à-dire la capacité pour la génération présente à améliorer son niveau de vie par rapport à la précédente.
ElasticiteIntergenerationelle.png
La présentation de ce tableau est contre-intuitive, les barres indiquent le niveau de résistance et non celui de la fluidité des mouvements. On voit ansi que le pays où la mobilité sociale est la plus importante est le Danemark. En Europe, très clairement, ce sont les pays nordiques qui présentent la meilleure mobilité sociale.  Hormis la Chine, les pays où il y a le moins de mobilité sociale sont ceux d'Amérique du Sud, immédiatement suivis par le Royaume-Uni, l'Italie et les États-Unis.
Un deuxième tableau fait la relation entre celui-ci et le coefficient de Gini :
RapportInegaliteMobilite.png
On voit ici qu'il y a une quasi-superposition des deux tableaux et une forte, même déterminante, relation entre le niveau de l'inégalité d'un pays (coefficient de Gini) et la mobilité sociale qu'il permet. Très clairement : plus l'inégalité est forte, plus la mobilité est faible.
Ainsi, l'inégalité joue comme une prison pour les moins nantis et la situation des parents est reproduite à l'identique sur les enfants. Les pays nordiques, le Canada et le Japon montrent cette relation mais dans l'autre sens : moins les pays sont inégalitaires, meilleure est la mobilité sociale.
Les études de Miles Corak viennent confirmer, 50 ans plus tard, les observations faites par le sociologue français Pierre Bourdieu dans deux ouvrages fort critiqués à l'époque, Les Héritiers et La Reproduction, dont on s'aperçoit que, finalement, ils restent d'actualité.
 
Télécharger le texte (en anglais) de Miles Corak
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