Glanages - #7
Soumis par José le ven, 01/09/2017 - 12:55
Dernière semaine d'août, ce n'est déjà plus la grande disponibilité des semaines précédentes, la production s'en ressent. Un peu de glanages sur le ouèbe, une note de lecture, quelques productions personnelles.
Ces deux dernières semaines j'ai notamment traité des inégalités actuelles mesurées dans le monde et en France. La comparaison des deux billets de blogue est intéressante et instructive. Pour le monde, ce sont les données d'Oxfam, pour la France ce sont celles de l'Observatoire des inégalités. On y voit que les indices d'inégalités sont très différents d'un cas sur l'autre et que la France, malgré ses énormes écarts, reste un pays redistributif, même si la tendance se maintient au creusement des inégalités. De ce point de vue et de celui de la mobilité sociale, c'est le Danemark qui décroche le pompon. Si c'est un sujet qui vous intéresse, n'hésitez pas à suivre les liens.
Changement de mœurs et bains de mer - Je me régale toujours à lire les billets publiés par Priss sur Savoirs d'Histoire. D'abord, elle écrit bien. Ensuite elle traite sur un ton léger des sujets qui, parfois, sont très sérieux, comme celui-ci. Enfin, elle y ajoute toujours un je ne sais quoi de coquin qui excite la lecture. Vous avez compris, j'aime bien la manière dont elle aborde l'histoire et les histoires qu'elle raconte. Faisez-y un tour de temps en temps, ça détend.
Ce billet est le deuxième volet de l'été sur l'invention des bains de mer au XIXème siècle, puis de la plage après la Grande Guerre. L'effeuillage des vêtements et les peaux qu'on voit, ou qui se montrent, ou les deux, vont devoir mériter leur place au soleil. Et les coups de baston sont parfois de la partie. On se régale (surtout en pensant que, pfouiiii !, heureusement qu'on est maintenant).
Libération de Paris : on parle enfin des anarchistes de La Nueve - Paco Roca a édité chez Delcourt une bande dessinée qui retrace l'histoire des républicains espagnols, anarchistes et communistes, qui se sont battus avec la 2ème DB du maréchal Leclerc au sein de la 9ème compagnie, La Nueve. Premiers entrés dans Paris, ils y ont essuyé de lourdes pertes. Ils ont été des acteurs de premier plan de la libération de la capitale, mais sont restés dans l'oubli. Il était difficile de dire que les premiers à entrer dans Paris et à livrer la bataille de sa libération n'étaient pas Français, et pire, c'étaient des rouges-et-noir. J'avais 17 ans quand les Espagnols de la CNT, rue des Vignoles à Paris, me racontaient cette histoire. Depuis 2004 la ville de Paris leur rend hommage. Voir le documentaire de France 3 sur la Nueve.
« La fiscalité selon Macron : les plus aisés seront les plus gâtés » - Cet article de Libération met en perspective les réformes fiscales annoncées par le gouvernement et leur impact sur chacun des déciles de la population (c'est-à-dire la population saucissonnée en fonction de ses revenus annuels, par tranches de 10%). Sans grande (aucune ?) surprise, il apparaît que les 10% les plus pauvres ne vont rien y gagner, alors que les 10% les plus riches (et en particulier les 10% les plus riches parmi les 10% les plus riches, donc les 1% de la population) vont se gaver. Pour les autres, ça dépend où ils se trouvent et, en particulier ceux qui sont juste en dessous des 10% les plus riches (qui gagnent entre 29 570 et 37 260 euros par an, soit entre 2464 et 3105 € par mois) vont y gagner 34 € par an (2,83 € par mois !). On est bien dans la veine de ce qui se passe aux États-Unis.
Pourquoi les jeunes chimpanzés restent-ils avec leur familles, alors qu'ils sont sevrés ? Cet article (en anglais) fait état d'une recherche sur la base de matériaux qui n'avaient pas pour préoccupation de regarder cette question. Il apparaît cependant que les jeunes chimpanzés, alors qu'ils sont sevrés et que leur mère a déjà un autre petit, restent encore au moins 5 ans dans le giron familial (à entendre ici comme la mère et les frères et sœurs). Pourquoi cela ? Est-ce une adaptation culturelle ou évolutive, liée au fait même que les chimpanzés - les animaux les plus proches de nous - sont une espèce éminemment sociable, comme nous-mêmes ? Cela permet-il le développement des réflexes sociaux nécessaires à la survie ? L'article n'arrive à aucune conclusion précise, mais pose des pistes pour des investigations qui nous concernent directement puisque, nous-mêmes, nécessitons d'un temps de maturation beaucoup plus important lié à notre méga-cerveau. Je ne puis m'empêcher de comparer le temps qu'un jeune chimpanzé reste dans le groupe familial avec l'âge auquel les humains commencent à faire travailler les enfants, à 4 ou 5 ans, même si cela fait partie, pour notre culture aujourd'hui, de l'inacceptable, depuis peu de temps.
« Néandertal, le cousin réhabilité » - Non, nous ne sommes pas là parce que nous sommes les plus géniaux de tous les êtres humains qui se sont succédés depuis qu'il y a une humanité sur Terre. L'autre humanité que l'on connaît le mieux, Néandertal, n'a rien à nous envier. Cet article du Journal du CNRS fait un point sur les découvertes les plus récentes, qui nous montrent que pour certaines choses, comme la maîtrise du sous-sol, ils nous ont devancé un chouia, quelque 130.000 ans. Dans l'état actuel des connaissances (je prends des précautions). Ce n'est pas tant cette espèce de "réhabilitation" de Néandertal qui est importante, c'est plutôt la remise à plat du fonds culturel qui nous baigne et nous conduit à penser nos relations aux Autres comme une supériorité intrinsèque qui nous habite et une infériorité d'essence même d'autrui. Nous sommes pile poil dans l'analyse faite par Marylène Patou-Mathis dans son excellent livre « Le sauvage et le préhistorique, miroir de l'homme occidental »
« La naissance de l'inégalité » - est un livre de Brian Hayden, aux éditions du CNRS, que j'ai lu avec appétit bien entendu. J'en ai fait une note de lecture mais j'avoue rester perplexe sur certaines thèses, en particulier celle des personnalités "triple AAA", qui seraient responsables de ce mauvais pas de l'humanité, et gêné par l'impression que l'auteur plaque les conceptions culturelles de notre époque sur les sociétés humaines du paléolithique, il y a 50.000 ans. Les réflexions plus concrètes sur le registre archéologique m'ont paru plus pertinentes que les conclusions sur la transition des sociétés égalitaires vers les sociétés inégalitaires par l'intermédiaire d'une société "transégalitaire" où les comportements de certains membres seraient, pour ainsi dire, identiques à ceux des traders de Wall Street.
Y a-t-il un rapport entre l'art et les sociétés inégalitaires ? Drôle de question, n'est-ce pas ? Pourtant, à la lecture de plusieurs ouvrages, je me la suis posé. Brian Hayden n'y va pas par quatre chemins, pour lui l'art est vraiment la manifestation des inégalités dans les sociétés humaines. Mais d'autres auteurs qui parlent d'autres sujets et n'abordent cette question que comme incidente, ne permettent pas de le démentir et apporteraient plutôt de l'eau à son moulin. Je me suis un peu étendu sur la question dans ce billet de blog.
Oxfam a publié en janvier 2017 son rapport sur le fonctionnement de l'économie mondiale. Le titre du rapport n'y va pas par quatre chemins, il est clair et percutant : « Une économie au service des 99 % » pour réclamer une inversion du système actuel qui ne profite qu'à 1% de la population mondiale. Ce rapport rendu public au moment de la rencontre de Davos montre que 8 personnes (oui, huit) possèdent à elles seules « autant de richesses que la moitié la plus pauvre de l’humanité ». Dans ce billet de mon blog j'essaye d'en résumer le contenu, tâche ingrate, tellement ce document peut difficilement se réduire à quelques explications. Son très grand intérêt fait que vous devriez vraiment le télécharger et le lire, ou tout au moins lire son résumé. Les liens sont en bas de page du billet.
Le Néolithique, la violence et l'inégalité - La violence est-elle consubstatielle de l'humanité ? Ben non, ça s'apprend ! C'est sûr que nous sommes doués pour cela, pourtant, pendant les 2,8 premiers millions d'années de notre existence, nous avons su l'éviter. Ça fait à peu près 5.000 ans qu'on s'y est mis dans le bassin méditerranéen, on l'a vraiment développé depuis 4.000 ans et on l'a exportée partout sous sa forme la plus délétère : la guerre. Oui, c'est en Europe qu'on a été capables d'inventer ça, en Espagne si on en croit le plus ancien témoignage graphique. Et l'État, il est censé nous en préserver ? Non, c'est le contraire. Moins il y a d'État, plus les sociétés sont pacifiques. Quand on est égaux, on n'a pas besoin de se foutre sur la gueule. C'est juste quand on veut se payer l'autre, ou ce qu'il a, son pétrole par exemple.
« Le choc de la libéralisation » - Avec le gouvernement actuel, il n'y a pas que le montant des APL qui baisse. Les impôts baissent aussi, de 11 milliards. Coupes sombres dans le budget de l'État, impactant d'abord les plus faibles (comme la suppression des contrats aidés), incertitudes sur les budgets des collectivités locales dont les ressources propres sont en voie de disparition, élimination du contrat de travail dont la ministre n'a pas hésité à déclarer qu'il servait surtout à embêter 95% des entreprises (un peu comme le Code pénal qui embête l'essentiel des délinquants !). Les mesures en cours me laissent un arrière-goût de « stratégie du choc », comme l'a développé Naomi Klein.