Les inégalités en France en 2017

Chaque année, l'Observatoire des Inégalités produit un rapport sur l'état des inégalités en France.  Le rapport 2017 a été publié au mois de juin, grâce à un financement participatif. Ce rapport est en vente sur le site, mais on peut télécharger sa synthèse en quelques tableaux clairs, explicites et extrêmement instructifs.
On y apprend qu'un peu plus du quart des revenus est détenu par 10% de la population. Ce que ne montre pas ce tableau c'est la répartition de cette distribution au sein même de ces 10%, mais il ne serait pas étonnant que, comme dans une fractale, on retrouve le même schéma distributif.
pauvrete.pngAlors que la France n'a pas connu de récession depuis 2004 (contrairement à des pays comme la Grèce), on voit qu'en dix ans le nombre de personnes pauvres a augmenté à la fois en nombre et en taux. C'est une tendance lourde qui revient de rapport en rapport, d'étude en étude, de statistique en statistique. Cela ne manque pas de nous interroger sur une tendance du type de celle constatée aux États-Unis d'Amérique, évoquée dans ce billet. Pourtant, depuis cette date, nous n'avons pas manqué d'annonces politiques et de ces invectives sur « l'assistanat » qui voudraient nous faire croire que la pauvreté est un choix (alors que la richesse serait un effort). 

IndiceDeGini.pngUn autre indicateur montre une progression globale des inégalités en France, c'est l'indice de Gini, il a continué de croître depuis 2003. La croissance de cet indice n'est pas un cahot, un événement conjoncturel passager : il manifeste une tendance, qui est celle de l'aggravation générale des inégalités, entre toutes les couches sociales. On peut résumer en disant qu'il montre que les richesses se concentrent tandis que la pauvreté se répand.
travail.pngIl n'est pas étonnant dès lors de constater la dégradation constante de tout ce qui touche au travail, et cela malgré l'ensemble des mesures dites salvatrices, comme les dérégulations, l'amoindrissement des droits des salariés, la redistribution fiscale massive en faveur des entreprises, toutes ces recettes qui, depuis la fin des années 1970 sont censées créer le plein emploi mais nous maintiennent en réalité dans le plein chômage.
On voit que désormais c'est plus d'un jeune sur cinq qui est durablement touché par le chômage et en ne comptant que ceux des moins de 25 ans qui sont réellement inscrits comme demandeurs en recherche active d'emploi, car cette statistique ne tient évidemment pas compte de tous ceux qui sont sortis des chiffres de Pôle Emploi. Ce sont tous ceux qui sont dans une formation rémunérée qui n'est pas choisie, mais qui est un palliatif pour disposer de quelques revenus ; tous ceux qui sont dans une forme quelconque de contrat aidé (contrat précaire, vie précaire, pas de cotisations chômage ni retraite). Le nombre de chômeurs de longue durée (ceux qu'on nous présente comme ne faisant pas d'efforts suffisants pour trouver un emploi et qui seront désormais radiés après deux offres de Pôle Emploi, et ceux qui ont eu à fréquenter cet organisme savent à quel point les offres proposées sont surréalistes !). Ce chômage de longue durée, qui touche souvent des seniors, dégrade une vie avec une ampleur que les chiffres ne montrent pas. Et la dégrade durablement puisque toutes ces années de chômage ne produisent pas de droits pour la retraite et les victimes seront à nouveau victimes pendant leur vieillesse avec une pension réduite, voire le seul bénéfice de ce qu'on appelle communément le "minimum vieillesse".
diplomes.pngIl est cohérent, dans ces conditions, de découvrir que la part des ménages vivant dans un logement surpeuplé augmente et concerne pratiquement un tiers des plus pauvres. Qui généralement cumulent aussi avec l'insalubrité.
Quand on parle des ménages, il faut penser aussi que le surpeuplement n'est pas dû au couple mais aux enfants qui doivent grandir et étudier dans ces conditions, et héritent de sous-développement culturel. Sous-développement culturel dont la première conséquence sont les difficultés scolaires, clairement traduites parle fait que 60% des enfants d'ouvriers non qualifiés n'arrivent pas au baccalauréat (alors même que ce diplôme est maintenant obtenu par 80% d'une classe d'âge). Nous sommes en plein dans l'analyse de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron dans « La Reproduction », mais on a tendance avec la pensée politiquement correcte à oublier que l'école a d'abord une fonction idéologique : celle de légitimer la stratification sociale. Légitimation réussie puisque les enfants d'ouvriers non-qualifiés, ne réussissant pas leurs études, se reproduisent eux-mêmes dans l'absence de qualifications (au pluriel, volontairement).
Cela n'étonnera personne que les différences de salaires entre hommes et femmes soient encore de 10,5% à poste équivalent, au détriment des femmes. Ce « Sois moins ! », à l'œuvre depuis le patriarcat, résiste à toutes les bonnes intentions et aux législations progressistes.
etrangers.pngJe finirai ce billet par deux chiffres concernant les étrangers en France. D'une part, un emploi sur 5 en Europe leur est interdit (ce sont les emplois dits "protégés") et je découvre avec effarement l'ampleur même de ce chiffre, d'autre part ils cumulent bien entendu tous les désagréments : moins bien payés, plus pauvres et davantage affectés par les périodes de chômage.
 



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