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Quel est mon territoire ?

«Périsse ma nation, pourvu que l'humanité triomphe!», dit Lamartine qui cite Barnave.1 L'opposition entre l'humanité et la nation a de quoi interpeller, comme si l'une, la nation, était la négation de l'autre, l'humanité. Car nous avons l'habitude de nous définir davantage par notre carte d'identité que par cette identité qui nous est, pourtant, commune à tous.

Au moment où la facétie de la pseudo-déclaration d'indépendance de la Catalogne2 déferle sur les médias, où bien des populismes et des nationalismes haussent le ton en Europe, où chacun se revendique propriétaire d'un bout de planète pour y mettre des limites et des gardes, décider qui en est et qui on en exclut, je me demande comment on a fini par accepter d'être confondus avec ces fictions que sont les peuples et les nations plutôt que de se reconnaître pour ce que l'on est vraiment et tous ensemble : des humains à la dérive sur un caillou dans l'univers. Situation suffisamment angoissante en elle-même pour qu'on soit enclins à se donner la main plutôt que le coup de poing.

Le Néolithique, la violence et l'inégalité

375px-Da_Vinci_Vitruve_Luc_Viatour.jpgL'humanité est-elle une espèce violente où la majorité de ses membres sont naturellement soumis à un dominant ? C'est l'idée qui fait sens commun et tout le monde a en tête, parce que cela a été répété au son du tam-tam chaque jour et chaque nuit pendant au moins dix générations, la "loi du plus fort" comme le "contrat social". Une idée simple : sans une force de contrainte on va tous s'égorger mutuellement, car à "l'état de nature" les individus n'ont aucun frein. L'idée de "contrat social" suppose que les individus sont naturellement libres mais comme cette liberté mène au désordre, alors les individus passent un contrat pour se limiter eux-mêmes et instituer une autorité qui fera régner l'ordre.
Alors même que Hobbes pense que "le plus fort", s'il cherche à s'imposer, sera éliminé par les plus faibles qui se regroupent, la notion a été reprise par ce qu'on nomme le darwinisme social, qui en a fait un moteur de l'évolution des espèces - ce que Darwin n'a jamais prétendu. Ainsi, ce seraient les plus forts qui feraient évoluer les espèces et les espèces les plus fortes qui seraient vainqueuses(*) dans la concurrence pour la survie.